la Couturière et le Voyou, sur les pas des Mousquetaires

la Couturière et le Voyou, sur les pas des Mousquetaires

Emily Jones :

Je sens que je vais mourir, étranglée par cette main qui enserre ma gorge comme un étau! Mais je lutte quand même pour tenter de faire lâcher prise à mon agresseur avec l’énergie du désespoir : autant je n’accordais pas de valeur à ma vie avant, autant je suis convaincue d’avoir quelque chose à apporter aujourd’hui. En particulier, à Jonathan que je ne veux pas quitter, lui qui m’a appris à me battre pour un avenir meilleur.

—Crève!
J’aurais dû faire ça depuis bien longtemps, éructe mon assaillant d’une voix mauvaise en me postillonnant à la figure. Tu n’as jamais rempli ton rôle, on a perdu notre temps à cause de toi
!

Il est trop fort et mes tentatives de dégagement sont dérisoires. Ayant réussi à se positionner à califourchon sur moi, il m’écrase les côtes de tout son poids.
Son regard fanatique, au travers de sa cagoule noire, sonne le glas de mon existence tandis qu’un voile noir m’enveloppe et que je sombre en expirant un dernier souffle.

Jonathan, pardonne-moi…

Emily Jones :

Dix jours avant

 La semaine est passée à la vitesse de l’éclair et je me pose pour un brunch dominical avec un certain plaisir. Cette tradition n’a pas vraiment cours ici, mais j’aime m’accorder une grasse matinée hebdomadaire et cela colle parfaitement avec mon agenda. Aujourd’hui, j’ai mal au dos à force d’être restée courbée aussi
longtemps sur ma table de travail : je mérite de me détendre avec une après-midi chill
[1], d’autant que j’ai un livre à finir. J’ai bien avancé sur tous les patrons grâce à Jonathan et je vais pouvoir attaquer la découpe des capes de mousquetaires la semaine prochaine. Nous avons désormais six modèles de robe que je vais mixer en fonction des tissus et couleurs à disposition : cela devrait permettre d’obtenir une trentaine de costumes différents à la location.

Sévigné a suggéré de proposer aux futures clientes une adaptation sur mesure vu que très peu de gens rentrent parfaitement dans les tailles standard. J’ai un peu peur de la surcharge de travail à la dernière minute, mais, en discutant avec les garçons, nous avons trouvé une solution qui pourrait être viable : ils pensent que les croquis de Jonathan sont superbes et suffiront à donner envie
aux gens de commander leurs tenues à l’avance. La réaction de ce dernier à la reconnaissance obtenue par «
ses pairs» a été émouvante : il n’y croyait pas, mais a été touché au-delà des mots. De ce fait, il a fignolé des dessins qui doivent être mis en ligne sur le site d’ici la fin du mois. Si nous parvenons bien à séduire des gens, ceux-ci enverront leurs mensurations pour que je puisse ajouter ou non des pans supplémentaires aux jupes et corsets.

Jonathan a aussi réfléchi au fait qu’il faudrait pouvoir réutiliser ces costumes par la suite et nous avons donc pensé des patrons qui sont «adaptables». Par ailleurs, Guillaume a prévu un espace dans le hall du château afin d’exposer les plus belles pièces : mon travail sera ainsi mis en valeur aux yeux de chaque visiteur tout au long de l’année en fonction des thématiques, un peu comme peut le faire l’Opéra Garnier à Paris par exemple.

D’où le fait que je n’ai pas arrêté ces derniers jours et que j’ai besoin de me recharger un peu avant de réattaquer une nouvelle semaine intense. Profitant du moment, je savoure mes œufs frais brouillés ainsi que mon thé noir au caramel en observant le petit jardin à l’arrière de ma maison. L’été indien est clément cette année apparemment et embaume l’air du parfum des fleurs chauffées par le soleil : c’est un bonheur simple d’un moment de plénitude, en paix avec la nature et moi-même qui est sans prix à mes yeux. Malheureusement, il est interrompu brusquement par des coups secs à ma porte.

—Entrez, lancé-je un peu étonnée par cette visite impromptue.

Il m’a fallu des semaines pour m’habituer aux coutumes locales, mais je m’y conforme désormais sans y penser : dans le village, nous ne fermons pas les portes à clé, faisant confiance au voisinage où tout le monde connaît tout le monde.
Et surtout, Delphine – la commère – surveille les allées et venues de chacun avec une attention qui fait dire à Guillaume qu’elle a dû être une chouette dans une autre vie tant elle semble avoir des yeux partout. Avec ce mode de vie bien éloigné de l’angoisse des grandes villes, je n’ai donc pas besoin de me lever pour aller ouvrir.

Pourtant, j’aurais dû!

Parce que c’est… Scott qui débarque dans ma cuisine d’un pas conquérant!

Figée de stupeur, je n’arrive pas à réagir, l’esprit figé sur une seule question : comment m’a-t-il retrouvée? J’ai fui Londres sans prévenir personne et n’ai rien entrepris d’un point de vue administratif. Sévigné m’a tiré «les vers du nez» rapidement compte tenu de ma réaction lorsqu’elle m’a annoncé que j’étais
retenue en tant que couturière du domaine et a ensuite glissé «
un mot» à Guillaume. Ce dernier a aussitôt chargé son avocat de «mon cas». C’est donc son cabinet qui gère mon divorce et me sert de boîte aux lettres officielle afin que, justement, ma nouvelle adresse ne soit pas divulguée à mon futur ex-mari. D’ailleurs, son premier courrier de réponse était aussi injurieux qu’arrogant, et maître Saint-Omer s’était fait une joie de lui lister en retour
tous les éléments m’ayant poussée à le mandater. Il m’a bien évidemment fait valider sa lettre, ce qui m’a permis de mesurer tout le chemin parcouru en relisant tous les mauvais traitements que j’avais subis. Malgré ce qu’il me poussait à demander, je n’ai pas exigé de compensation financière, même si c’était mon travail qui supportait notre foyer : ma priorité était ma liberté et j’ai préféré l’acheter plutôt que de me battre pour pas grand-chose de toute façon. Toutefois, même si Scott n’avait toujours pas signé les papiers demandés, l’homme de loi était confiant sur l’issue : je l’avais donc relégué aux oubliettes de ma vie.
Quelle erreur
!

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