J’ai, en effet, regretté cette impression d’être arrivée dans une fête où tout le monde se connaissait et échangeait des souvenirs, laissant les autres participant en marge de la conversation. Et c’est assez normal, Licorne, Merlin & Cie étant un spin-off d‘Oracle, Magie & Co. Si l’autrice indique que l’on peut lire ce nouveau roman sans avoir lu la série principale, je serais plus mitigée dans la mesure où les nombreux rappels aux événements précédents m’ont empêchée de pleinement m’impliquer dans ceux qui se déroulaient sous mes yeux. Mais je comprends tout à fait qu’elle ait veillé à rappeler le passif de ses personnages pour expliquer leur vie actuelle et nous permettre de mieux les appréhender.
J’ai également été un peu gênée par l’abus de surnoms, détestant ça aussi dans la vraie vie. Seule exception, le fameux « morue » de Dick qui, à chaque fois ou presque, m’a fait sourire, l’autrice le plaçant toujours à des moments opportuns. Et puis, je reconnais avoir eu un petit faible pour ce personnage qui, sous son air bougon et son côté brut de décoffrage, n’en demeure pas moins un chic type, ou plutôt un chic fantôme. J’ai, de la même manière, apprécié une femme de caractère qui arrive en cours d’aventure. J’ai été impressionnée par sa droiture et sa force de caractère, et j’ai aimé la manière dont certaines vérités mises à nu vont la pousser à s’interroger sur ses croyances, et remettre en perspective ce qu’elle a appris avec ce qu’elle estime juste de faire. Cette guerrière possède une belle complexité, loin de l’image qu’elle peut donner de prime abord.
Je ne me suis pas attachée aux autres personnages, mais j’ai aimé découvrir les liens les unissant les uns aux autres, et cette impression d’être plongée dans la vie d’une famille unie par les liens du coeur à défaut de ceux du sang. Une famille atypique où se côtoient mage, fée, médium, fantômes, et un humain au sang très spécial, sans oublier deux licornes, dont on va petit à petit découvrir le rôle… Je n’en dirai pas plus si ce n’est que j’ai trouvé intéressant e remonter la piste des ancêtres de Sélène, une fée qui a découvert depuis peu sa nature. Les passages où elle revit en rêve certains événements du passé sont de loin mes préférés, autant pour leur ton dramatique que les questions qu’ils suscitent et les réponses qu’ils nous donnent envie d’obtenir. Il y a des scènes assez difficiles à base, entre autres, de coeurs arrachés, mais elles ne sont jamais gratuites et permettent de mieux saisir certains événements et leurs conséquences.
Je ne peux pas dire que j’ai lu le roman en tournant avidement les pages malgré un rythme des plus soutenus, mais je reconnais que j’ai aimé la manière dont l’autrice mélange efficacement différentes créatures et légendes, d’autant qu’elle veille à laisser de la place à chacun. Ainsi, si tous les personnages ne revêtent pas la même importance, chacun joue un rôle et permet progressivement de nous mener vers une conclusion et un épilogue que j’ai trouvé parfait. Pas trop Bisounours, pas trop dramatique, un épilogue qui donne envie de retrouver les personnages. Un comble pour moi qui ne m’étais pourtant pas particulièrement attachée à eux. Et c’est peut-être aussi la magie de ce roman dont le titre finit par prendre tout son sens : développer chez les lecteurs un certain sentiment d’appartenance à cette famille dont chaque membre est unique et particulier. Je suis même très curieuse de découvrir l’évolution d’un couple plutôt inattendu…
Quant au style de l’autrice, il reste vif et alerte, à l’image d’une intrigue rythmée qui pousse les personnages dans leurs retranchements et ne leur laisse guère de répit. Il faut dire que les enjeux sont importants, l’autrice évoquant la nature et son nécessaire équilibre, ici menacé par les rêves de grandeur d’une fée qui a cru pouvoir s’abroger des règles pour imposer son règne. Tout au long du roman, sont également abordés des thèmes qui parleront à beaucoup : la famille bien sûr, le poids de l’héritage familial, le besoin de connaître son passé pour tracer son avenir, la quête de sens, le nécessaire équilibre en toutes choses et notamment dans les rapports entre les hommes et les femmes, la coopération à la place de la haine, la force de la rancune et des préjugés qui sont de bien piètres guides…
En conclusion, Licorne, Merlin & Cie ne m’a pas complètement convaincue, ayant parfois eu du mal à me situer dans l’intrigue. J’ai néanmoins apprécié l’univers développé par Sunny Taj qui mélange efficacement urban fantasy et figures de la légende arthurienne, un pari plutôt audacieux qu’il convient de saluer. Si vous aimez les fées, les mages, les fantômes, les licornes, les guerrières et avez envie de vivre une grande aventure en terre de Brocéliande, mais pas que, ce roman pourrait vous plaire. Avec ce dernier, l’idée de connaître le passé pour comprendre le présent et construire son avenir prend tout son sens…