Light and smell : Astral, l’étoile du Lion

Si mon avis sur Une furie à New York avait été très positif, il avait été beaucoup plus réservé pour Licorne, Merlin & Cie. Cela n’a pas empêché l’autrice de me proposer de découvrir son nouveau roman : Astral : L’étoile du Lion. Je la remercie donc de sa confiance renouvelée d’autant que j’ai beaucoup apprécié ce roman d’urban fantasy.

L’étoile du Lion se démarque des livres du genre que j’ai pu lire, notamment par son univers et la manière dont l’autrice, sous couvert de fiction, offre une intéressante réflexion sur l’écologie et la capacité de destruction des humains. Chose qui reste d’actualité dans ce futur où nous découvrons une séparation nette et franche de la société entérinée par l’accord Gaïa : d’un côté, vivent les humains ; de l’autre, les métamorphes. Toutefois, et ceci malgré l’interdiction prévue dans l’accord, certains métamorphes intègrent en catimini la société humaine... Mais c’était sans compter sur un blogueur anonyme qui les dénonce pour la sécurité de tous, du moins, le croit-il !

J’ai trouvé plus qu’éthiquement discutable sa démarche, même si on en découvre et on en comprend les raisons, mais j’ai apprécié, en tant que blogueuse, de voir à quel point le blog d’O.S. est populaire. Petit clin d’œil savoureux à toux ceux qui prédisent la mort des blogs ! Ce justicier auto-proclamé du web ne travaille pas tout seul. C’est ainsi que nous découvrons TG, ancien militaire souffrant de stress post-traumatique, et sa nièce, Felisha, ayant ses propres traumatismes. Elle a, en effet, vu ses parents se faire massacrer et dévorer par des métamorphes loups. On comprend donc leur méfiance/haine vis-à-vis de ces hommes-animaux dont la part animale peut faire bien des dégâts.

Toutefois, si les métamorphes peuvent commettre des exactions et des horreurs, les humains sont loin d’être des individus innocents et sans défense. Une réalité que Cedrik, l’alpha-king récemment nommé, est bien décidé à faire réaliser à Felisha dans le cadre de leur collaboration forcée. Une collaboration destinée à préserver un semblant de paix entre humains et métamorphes, et tenter de faire le point sur les disparitions inexpliquées de certains métamorphes. Leur relation, nourrie par les rancœurs et les préjugés de chacun, va se révéler compliquée et houleuse, du moins dans un premier temps. Mais elle semble inéluctable car plus ou moins écrite dans les étoiles… Je vais rester volontairement cryptique sur ce point, mais j’ai adoré la manière dont l’autrice part d’une prophétie pour nous permettre de découvrir les capacités extraordinaires et originales de ses deux héros, et faire un pont entre humanité et bestialité. Une bestialité souvent moins sournoise qu’une humanité calculatrice et dépourvue de scrupule…

De fil en aiguille, et malgré quelques remous, Felisha et Cedrik s’ouvrent l’un à l’autre, prouvant qu’une fois la barrière des préjugés tombée et le cycle de la haine mutuelle brisé, tout peut arriver. J’ai apprécié que l’autrice ne précipite pas les choses malgré une connexion quasi immédiate, dont il leur faudra du temps pour comprendre la source. Autre point positif à souligner : le lion de Cedrik tend à considérer Felisha comme « sienne », mais à aucun moment, ne se pose de problème de consentement. D’ailleurs, et je l’en remercie, l’autrice nous évite la tendance de l’hypersexualisation des romans d’urban fantasy. Ici, tout est chaste et respectueux, ce qui permet d’ailleurs de conseiller ce roman aux adolescent(e) sans crainte.

Je dois reconnaître que j’ai été touchée par les deux protagonistes et que j’ai aimé les belles valeurs les animant et les réunissant au-delà de leurs différences. Encore très affectés par leur passé, têtus, courageux, mus par un réel sens de la justice, et prêts à évoluer et revoir leurs croyances, même celles les ayant si longtemps définis, ils se ressemblent bien plus qu’ils ne le pensent ! J’ai également apprécié les protagonistes secondaires : de l‘oncle de Felisha qui veille sur elle comme une louve sur sa portée, à une sentinelle métamorphe qui va reprendre foi en l’être humain, en passant par le dévoué second de Cedrik toujours de très bons conseils… Et puis, il y a l’adorable Vincezo, un enfant qui m’a complètement fait fondre et qui va s’ouvrir à la vie et aux autres au contact de Felisha.

L’autrice propose donc une belle galerie de personnages, tous travaillés avec soin. Même un méchant a fini par revenir dans mes grâces. Ce dernier prouvera indirectement à quel point il est important pour un dirigeant de savoir écouter, reconnaître ses erreurs et les réparer… Que nos politiciens en prennent de la graine ! D’ailleurs, et bien qu’on ne soit pas dans un essai, l’autrice nous offre une belle critique de la politique et de cet appât du gain qui pousse à bien des horreurs et des trahisons. À mesure que les pièces du puzzle s’assemblent, notamment vis-à-vis des disparitions de métamorphes et de la pollution inexpliquée de certaines de leurs terres, on réalise toute la perfidie de certains ! Appât du gain, clientélisme, corruption, chantage, menace, violence… le portrait de l’humanité n’est pas flatteur mais assez réaliste. Heureusement que des personnes comme Felisha sont là pour prouver aux métamorphes qu’il y a des humains dotés d’une conscience, d’un grand coeur et de belles valeurs.

Quant à la plume de l’autrice, elle se révèle fidèle à elle-même : fluide, immersive, agréable et rythmée. L’autrice alterne entre des passages se focalisant sur les personnages, des dialogues réalistes et naturels, des phases d’enquête dans lesquelles on essaie de démêler le vrai du faux, et des phases d’action qui déménagent. Un mélange harmonieux permettant à chaque lecteur de trouver son compte à l’histoire et de s’investir dans une lecture sans temps mort, qui offre néanmoins des moments d’accalmie bienvenus.

En conclusion, Sunny Taj réussit à proposer un roman d’urban fantasy dans lequel les coutumiers du genre se sentiront à l’aise, mais qui offre également une belle portée d’entrée aux personnes souhaitant découvrir le genre. Un genre qu’elle dépouille de ses défauts (sexe à gogo, problème de consentement), au profit d’une réflexion intéressante sur l’écologie, l’intolérance et les préjugés, et de personnages aux capacités inattendues et fascinantes qui ouvrent des perspectives illimitées sur le monde. Un point qu’il vaut mieux découvrir par soi-même mais qui représente pour moi l’atout principal de ce bon one-shot d’urban fantasy que je vous recommande sans hésiter.